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Avant propos - Marcel Jouhandeau
Je restreins progressivement le champ de mon existence. Depuis le mois de juin à peine ai-je quitté la rue. Je m'accorde encore quelque temps le jardin, à cause de la basse-cour qui est mon joujou. Bientôt je n'aurai plus que notre chambre pour domaine, avant de ne plus quitter mon lit.
Seule, j'ai l'impression d'appartenir à une autre espèce. La vue de n'importe quel de mes semblables m'humilie. Je ne me plais que chez moi, comme dans un désert, dans un autre monde, avec l'unique appréhension d'entendre marcher dans nos allées, sonner à la porte. Il n'y a que toi qui ne m'empêches pas d'être seule et je ne me plais que seule. Avec personne je ne suis seule, excepté avec toi et c'est le plus bel éloge que je puisse faire de toi et la plus grande preuve d'amour que je puisse donner à quelqu'un. Tu fais partie de moi au même titre que ma main ou mon ombre qui ne m'empêchent pas d'être seule et je crois bien que ce compliment tu peux me le retourner. Est-ce que j'attente le moins du monde à ta solitude? Ta vraie solitude au fond, c'est ici et j'en suis la gardienne; mieux, c'est moi. Marcel Jouhandeau, "Elise architecte" 1951 Date de création : 04/07/2010 @ 10:51 Réactions à cet article
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